Murmures de Quiétude : Le Rideau Tombe pour Alice

La dernière table est partie. Dans le café, le silence soudain est presque plus assourdissant que le vacarme d'il y a une heure. Pour Alice, la journée n'est pas encore finie. Il reste le bruit du lave-vaisselle, le cliquetis des tasses qu'on range, et surtout, l'écho de centaines de "s'il vous plaît", de sourires forcés et de patience feinte qui résonne dans sa tête.

Son métier est un marathon émotionnel. Douze heures à être l'hôtesse parfaite, celle qui absorbe la mauvaise humeur d'un client comme le bon pourboire d'un autre.

De retour chez elle, le silence de son petit appartement est un baume. C'est ici que le rideau tombe. Le masque de la serveuse souriante glisse, laissant apparaître la fatigue sur ses traits. C'est l'heure de son rituel, le plus important de sa journée. Celui où elle n'a plus à plaire à personne.

Ce soir, elle choisit une infusion simple. Elle aime la préparation lente, le geste précis. Elle effrite quelques têtes de "La Symphonie Boisée", appréciant l'odeur franche et authentique qui s'en dégage. C'est une odeur qui ne ment pas, qui ne cherche pas à séduire. Elle est, tout simplement.

L'eau frémit, elle la verse doucement. La vapeur qui monte est le premier soupir de sa soirée. Elle s'installe dans son fauteuil, la tasse chaude entre les mains, sans musique, sans écran. Juste le silence.

Chaque gorgée est un pas de plus vers elle-même. Le goût terreux et boisé de l'infusion est une ancre qui la ramène à l'essentiel. Le tumulte de la journée s'estompe, remplacé par une quiétude palpable. Elle ne pense à rien. Elle ne sourit pas. Elle n'est ni agréable, ni désagréable. Elle est juste là, présente.

Ce n'était pas magique. C'était un choix. Le choix de s'offrir cet instant de vérité, cette parenthèse où elle n'avait plus besoin de jouer un rôle. Et ce moment, dans son ensemble, lui avait fait un bien fou. Le masque était tombé, et derrière, Alice pouvait enfin se reposer.